À la recherche du bruissement de la langue

« Il reste toujours trop de sens pour que le langage accomplisse une jouissance qui serait propre à sa matière. Mais ce qui est impossible n’est pas inconcevable : le bruissement de la langue forme une utopie. Quelle utopie ? Celle d’une musique des sens ; j’entends par là que dans son état utopique la langue serait élargie, je dirais même dénaturée, jusqu’à former un immense tissu sonore dans lequel l’appareil sémantique se trouverait irréalisé ; le signifiant phonique, métrique, vocal, se déploierait dans toute sa somptuosité, sans que jamais un signe s’en détache »

– Roland Barthes, Le bruissement de la langue

Dans Le bruissement de la langue [1], Roland Barthes imagine une parole complètement affranchie de son sens, pour être perçue seulement comme un bruit abstrait et poétique, et non plus comme un message. La voix parlée ainsi abstraite des représentations qu’elle véhicule retournerait à sa pure musicalité, c’est-à-dire à la substance acoustique qui constitue notre langage oral. Écouter ce matériau sonore reviendrait un peu à percevoir le gazouillis d’une langue inconnue, dont le rythme et les modulations ressembleraient à s’y méprendre à la nôtre sans qu’il nous soit possible d’y discerner le moindre mot.

Pour Barthes, isoler le bruissement de la langue constitue une pure expérience de pensée : tant que la langue nous est familière, le son de parole ne peut jamais être complètement affranchi de son sens, de même que le sens ne saurait exister sans le son qui le porte. Autrement dit, il y a une relation fusionnelle entre le contenu sémantique et le contenant acoustique. Barthes envisage donc cette parole vide de sens uniquement en tant qu’idéal irréalisable, source potentielle d’inspiration pour la création artistique. De fait, on retrouve l’idée d’une langue retournée à son bruissement originel dans des œuvres très diverses. On pense en premier lieu au grommelot, le charabia burlesque pratiqué par nombre de personnages de comédie depuis les clowns jusqu’à Charlot, en passant par le théâtre de Dario Fo et quantité de films d’animation. La recherche d’un flux linguistique libre de tout sens distinct évoque également le vaste univers des poésies sonores futuristes, lettristes ou dadaïstes, forme ultime du poème qui renonce à l’usage des mots et de la syntaxe pour s’attacher à la musique des onomatopées et des phonèmes isolés. Mentionnons entre autres exemples marquants l’Ursonate de Kurt Schwitters (ou « Sonate des sons primitifs ») ou la bande-son du Traité de Bave et d’Éternité d’Isidore Isou.

Pourtant, ce bruissement utopique intéresse également de près la psycholinguistique dans son étude des mécanismes de la compréhension du langage. En effet, l’obtention de stimuli sonores ressemblant autant que possible à un son de parole mais dépourvus de certains éléments constitutifs du sens pourrait permettre d’isoler expérimentalement certaines fonctions du cerveau. De façon simplifiée, le raisonnement suivi (aussi appelé « méthode soustractive ») est le suivant : en comparant l’activité du cerveau lorsqu’il est en présence d’un son de parole (P) ou lorsqu’il est en présence d’un son de parole altéré dont certains éléments X ont été retirés (P-X), on peut espérer identifier les mécanismes cognitifs impliqués spécifiquement dans le traitement de X. En particulier, si nous disposions d’un son de parole et d’un autre son similaire en tout point mais dépourvu de tout contenu linguistique, alors la comparaison de l’activité neuronale évoquée par ces deux stimuli nous permettrait d’isoler la chaîne des traitements spécifiques à la compréhension du langage par le cerveau humain – en éliminant les traitements associés à la simple forme acoustique du signal, présents à la fois dans la parole et la non-parole. Ici le second stimulus non-parolier joue donc le rôle d’une condition contrôle de référence dans laquelle la compréhension du langage n’intervient pas mais où seuls demeurent les aspects qui n’intéressent pas directement l’expérimentateur ou l’expérimentatrice. Dans ce billet, je voudrais évoquer trois exemples de tels « analogues non-paroliers » [2] qui ont été utilisés de façon récurrente dans l’histoire de la psycholinguistique. Pour cela, nous irons « du mot au son »1, en progressant dans la direction d’une abolition de plus en plus complète du sens, sans dédaigner de tracer quelques liens avec diverses œuvres poétiques ou cinématographiques.

Tout flivoreux vaguaient les borogoves

Un exemple bien connu de parallèle entre littérature et science dans la recherche d’une parole vide de sens est celui du Jabberwocky. Il s’agit à l’origine d’un poème de Lewis Carroll apparaissant dans De l’autre côté du miroir (1871) et jouant sur le non-sens. Il fit l’objet de nombreuses traductions et analyses [3, 4, 5], notamment par Henri Parisot :

Il était reveneure ; les slictueux toves
Sur l’allouinde gyraient et vriblaient ;
Tout flivoreux vaguaient les borogoves ;
Les verchons fourgus bourniflaient […]

Une autre version bien connue – et, qui plus est, audible – est celle chantée par le Chat de Cheshire dans le dessin animé des studios Disney Alice au pays des merveilles (1951) :

 

Par extension, le jabberwocky est devenu le nom d’une condition expérimentale utilisée de façon récurrente en psycholinguistique. Elle correspond à un type de stimuli paroliers construits en remplaçant les mots d’une phrase par des « pseudomots » sans signification. Ainsi, en 2011, Pallier, Devauchelle et Dehaene mesurèrent par IRM fonctionnelle l’activité cérébrale d’individus soumis à des phrases jabberwocky [6]. Chaque énoncé présenté aux sujets était composé soit d’une seule phrase de 12 mots (p.ex. « Une goupe reluse des ésous qui sapitaient le chadin de la prétine. »), soit de deux phrases de 6 mots (p.ex. « Il bloint les moribres du soutoir. Elle perbire le monfum des peses. »), soit de trois phrases de 4 mots (p.ex. « De garsu laune lâle. Il dénonte ses penvétes. Suire poufinir leur tésense. »), etc… Dans un deuxième temps, les chercheurs reproduisirent la même expérience mais en utilisant cette fois des vraies phrases composées de mots et non de pseudomots. La comparaison des résultats entre les deux conditions leur permit d’identifier un petit nombre de régions cérébrales dont l’activité croissait avec la taille des phrases en parole naturelle mais non en jabberwocky. Cette sensibilité à la complexité syntaxique des phrases uniquement lorsque les mots étaient porteurs de sens suggère l’existence dans ces région d’un mécanisme d’agrégation du sens des mots isolés en propositions complexes.

Malgré son aspect énigmatique, le jabberwocky n’est pas totalement dénué de sens2, comme le constate l’héroïne du livre de Carroll elle-même : « Ça a l’air très joli, dit Alice, quand elle eut fini de lire, mais c’est assez difficile à comprendre ! […] Ça me remplit la tête de toutes sortes d’idées, mais… mais je ne sais pas exactement quelles sont ces idées ! ». Ainsi, dans la phrase « Tout flivoreux vaguaient les borogoves », on comprend sans peine que les « borogoves » dont il est question sont « flivoreux », et qu’ils peuvent « vaguer », quel que soit le sens de ces mots – autrement dit : nous identifions ces trois termes respectivement comme un nom, un adjectif et un verbe. En effet, la structure des phrases (syntaxe) et la forme des mots (morphologie) sont à elles seules porteuses de sens, indépendamment des mots eux-mêmes qui peuvent être remplacés par des termes inventés3.

D’autres équipes de recherche ont par la suite défini différents « degrés » plus fins de dégradation du sens, par exemple :

1.     Les policiers sont retournés au muséum (phrase originale)
2.     Les effets sont enjoués au muséum (prose syntaxique : les mots sont remplacés par d’autres mots existants choisis de sorte que la phrase est grammaticalement valide mais dépourvue de sens)4
3.     Les molipiers sont rejarvés au suméum (jabberwocky)
4.     Da molipiers bru rejarvés couf suméum (non-sens : tous les mots sont remplacés, y compris les mots grammaticaux tels que « les »)

Ces nouveaux types de stimuli peuvent à leur tour être utilisés pour étudier plus finement les processus cognitifs associés au traitement de la phrase [8, 9].

Parvenus au stade du « non-sens » (phrase 4), il peut sembler que la déstructuration du son de parole ait été poussée à son extrême limite. Il convient de noter cependant que les phonèmes (les « lettres » du langage oral), demeurent intacts à travers toutes ces transformations. Ne pourrait-on pas imaginer un bruissement de la langue dans lequel même les phonèmes ne seraient plus identifiables ? La volonté d’étudier le processus de compréhension de la parole y compris le traitement des phonèmes a amené les psycholinguistes à considérer d’autres analogues non paroliers, plus abstraits encore que le jabberwocky.

Arrêtez de passer les disques à l’envers !

Plutôt que de rédiger une phrase dépourvue de sens puis de la prononcer, comme dans le cas du jabberwocky, une seconde approche consiste à user des ressources de la technologie pour déformer une phrase préalablement enregistrée de façon à conserver certaines caractéristiques de la parole tout en rendant l’ensemble inintelligible. Une telle transformation post-enregistrement offre ici un avantage notable : elle permet théoriquement d’altérer le contenu linguistique du son à une échelle inférieure au phonème – chose impossible avec les phrases déstructurées qui doivent rester prononçables par un être humain.

La solution la plus simple consiste à faire entendre le son de parole joué à l’envers (time-reversed speech) : le son résultant possède de toute évidence certaines similarités acoustiques avec la parole sans véhiculer un message compréhensible. Le renversement temporel des sons a été rendu possible, et même aisé, par l’enregistrement sur bandes magnétiques, et il a donc été très tôt utilisé comme analogue non parolier dans la recherche en psycholinguistique – à partir de 1953 et jusqu’à nos jours [10, 11, 12]. Simultanément, la parole renversée a été employée dans les productions musicales et cinématographiques à partir de la seconde moitié du siècle dernier. On en trouve deux exemples ponctuels dans le tube Car Trouble de The Eligibles en 1959, l’une des premières occurrences de la technique du backmasking, ensuite popularisée par les Beatles et reprise notamment par Frank Zappa, Robert Wyatt et Roger Waters.

La parole inversée doit sa popularité dans les productions musicales de la seconde moitié du siècle dernier à sa capacité à produire à peu de frais des sons énigmatiques s’apparentant à une forme de langage incompréhensible, mais également à la possibilité de dissimuler des messages cachés à l’intention des fans (ainsi, passer la chanson Car Trouble à l’envers permet de découvrir la phrase « Now, lookit here, cats, stop running these records backwards! »).

Du point de vue scientifique, néanmoins, la parole renversée a été critiquée par les psycholinguistes comme étant, paradoxalement, à la fois trop et pas assez proche de la parole. Pas assez proche car ce type de sons contient certains événements acoustiques aberrants, absents de la parole naturelle, tels que les sons aspirés, qui lui confèrent sa sonorité étrange et immédiatement reconnaissable. Trop proche, car il reste néanmoins possible d’identifier une majorité des phonèmes du son d’origine même si leur ordre général est inversé [12 – 14] – un phénomène sur lequel je reviendrai dans un prochain billet.

Les dialogues tenus par les personnages de la Black Lodge de Twin Peaks (David Lynch) constituent une parfaite illustration de ces deux aspects de la parole renversée. D’une part, en demandant à ses acteurs et actrices de prononcer les phrases à l’envers de façon à ce qu’elle soit compréhensible une fois inversée, David Lynch illustre la capacité du cerveau humain à identifier des phonèmes dans la parole retournée. D’autre part, l’intonation générale obtenue est singulière, assez peu semblable à la parole naturelle.

Étant à la fois peu naturelle et partiellement intelligible, la parole renversée ne constitue donc pas un analogue non parolier adéquat pour la recherche en psycholinguistique. Le développement de techniques plus avancées de traitement du son au cours des dernières décennies a donc amené à considérer d’autres types de distorsions sonores pour permettre une comparaison plus équilibrée avec la parole naturelle [2, 15].

Textures sonores

Récemment, les travaux de Josh McDermott et de son équipe de recherche sur les textures sonores ont conduit à une nouvelle piste prometteuse dans la recherche du bruissement de la langue. Les textures sonores regroupent un ensemble de bruits bien identifiables de notre environnement tels que le sifflement du vent, le crépitement d’un feu de bois, le tambourinement de la pluie, ou encore le clapotis des vagues. En s’appuyant sur un modèle du système auditif humain, McDermott et Simoncelli sont parvenus à caractériser ces bruits au moyen d’un nombre très limité de paramètres puis, en inversant le processus, à générer de nouveaux exemplaires de ces sons d’une durée arbitrairement longue [16]. À titre d’exemple, voici l’enregistrement d’un ruisseau, et la re-synthèse de ce son par l’algorithme de McDermott et Simoncelli5 :

Assez logiquement, les scientifiques se sont ensuite posé la question de la synthèse d’une voix humaine au moyen de leur algorithme. Leurs conclusions furent sans appel : alors que cette approche permettait de générer des textures sonores incroyablement réalistes pour un grand nombre de catégories (comme c’est le cas par exemple pour le bouillonnement d’eau ci-dessus), elle échouait à produire un son vraisemblable pour certaines autres (notamment le son de la voix).

Ce constat d’échec était lié aux objectifs de l’étude : produire des textures sonores de synthèses qui soient impossibles à distinguer des sons originaux. Néanmoins, quelques années après, ces résultats furent envisagés sous une nouvelle perspective. La voix re-synthétisée en tant que pure texture sonore ne nous offrirait-elle pas un parfait analogue non parolier ? Dans un article publié en 2018, Sam Norman-Haignere s’appuya sur ces nouveaux types de sons pour déterminer si certaines régions corticales possédaient une sensibilité particulière à la parole [17]. Il présenta ainsi des stimuli paroliers et leurs analogues re-synthétisés à des sujets, tout en enregistrant leur activité cérébrale. Naturellement, les participants et participantes parvenaient sans difficulté à établir une distinction entre la voix naturelle et la texture sonore. Néanmoins la question portait ici sur la capacité de différentes régions du cerveau à distinguer la parole de son analogue. Le résultat fut extrêmement probant : tandis que les aires auditives primaires ne faisaient pas de différences entre les deux types de sons, les aires secondaires réagissaient plus intensément aux sons originaux qu’aux sons synthétiques. Ceci démontrait que les premiers relais cérébraux de l’information en provenance des oreilles traitent les caractéristiques acoustiques simples (similaires dans les sons de voix réels et re-synthétisés) alors que les étages avancés codent des caractéristiques plus complexes, spécifiques à la parole et neutralisés lors de la re-synthèse. Une étude ultérieure menée par Agnès Landemard et ses collègues confirma que ces conclusions n’étaient pas généralisables au cerveau d’un mammifère non humain comme le furet [18].

Re-synthétiser la voix humaine en tant que texture sonore revient à la considérer comme un flux continu modulé de façon aléatoire et inintelligible, la ramenant ainsi au même niveau que les bruits de notre environnement tels que le bouillonnement de l’eau évoqué plus haut. Comme le souligne le terme de « texture », il ne subsiste plus ici que la trame du langage oral, à savoir, un ensemble de rythmes superposés à différentes fréquences. En un sens, ces sons de synthèse réalisent l’idéal barthien du bruissement de la langue comme « immense tissu sonore ». Ils constituent en tout cas l’analogue non parolier le plus abouti dont la recherche en psycholinguistique dispose à ce jour.

Parole dépourvue de sens et écoute sans compréhension

Lorsque nous percevons le son d’une voix, nous percevons essentiellement le sens porté par ce son. Ce n’est que rarement la voix elle-même qui est écoutée, mais plutôt le langage, avec ses implications, ses catégories, son réseau de relations sémantiques et d’analogies. Ainsi, en vous écoutant parler, je peux être tout à fait inconscient des bruits produits par votre bouche, du claquement de votre langue contre votre palais, ou des modulations de vos cordes vocales. A moins d’y prêter une attention particulière, je ne remarquerai pas non plus les spécificités de votre prononciation ni votre accent. Bref, le langage nous force à percevoir le son de parole hors de sa réalité : non plus comme un bruit issu de l’action combinée des organes phonatoires mais uniquement comme un message.

Les différents analogues paroliers que nous avons évoqués sont une façon ingénieuse d’enrayer ce processus automatique d’accès sémantique lors de l’écoute, en retirant certaines informations linguistiques qui participent à la construction du sens. Dans le jabberwocky, des pseudo-mots dépourvus de signification empêchent l’auditeur ou l’auditrice de former une image précise du sens de la phrase. La condition non-sens et la parole renversée vont plus loin en retirant tout élément de syntaxe auquel il serait possible de se raccrocher pour tenter de deviner le message. Enfin, stade ultime du bruissement, la texture sonore ne permet même plus de distinguer des phonèmes dans le flot continu des modulations.

Dans un prochain billet, j’évoquerai un projet mené actuellement avec l’artiste plasticien David Bartholoméo, et visant à l’utopie inverse : écouter le son de parole comme une pure musique en se détachant de la rechercher d’un sens.

Remerciements

Merci à Jean-Pierre Varnet pour la relecture, et à Manon pour ses exemples très convaincants de parole inintelligible.. Image d’illustration : ABCD de Raoul Haussmann (1923).

Références

[1]    R. Barthes, Le bruissement de la langue. Paris, France: Editions du Seuil, 1984.
[2]    S. Rosen et P. Iverson, « COMMENTARY: Constructing adequate non-speech analogues: what is special about speech anyway? », Dev. Sci., vol. 10, p. 165‑8; discussion 169, avr. 2007, doi: 10.1111/j.1467-7687.2007.00550.x.
[3]    M. Yaguello, Alice au pays du langage – Pour comprendre la linguistique. Le Seuil, 2019.
[4]    D. Campillo et M. Lanctôt, « Quelques observations sur des traductions de Jabberwocky, de Lewis Carroll », Meta J. Trad. Meta Transl. J., vol. 37, no 2, p. 214‑231, 1992, doi: 10.7202/002192ar.
[5]    F. Landragin, Comment parler à un alien? Langage et linguistique dans la science-fiction. Saint-Mammès: BELIAL, 2018.
[6]    C. Pallier, A.-D. Devauchelle, et S. Dehaene, « Cortical representation of the constituent structure of sentences », Proc. Natl. Acad. Sci., vol. 108, no 6, p. 2522‑2527, févr. 2011, doi: 10.1073/pnas.1018711108.
[7]    N. Chomsky, Syntactic Structures. Mouton, 1957.
[8]    M. H. Davis, I. S. Johnsrude, A. Hervais-Adelman, K. Taylor, et C. McGettigan, « Lexical information drives perceptual learning of distorted speech: evidence from the comprehension of noise-vocoded sentences », J. Exp. Psychol. Gen., vol. 134, no 2, p. 222‑241, mai 2005, doi: 10.1037/0096-3445.134.2.222.
[9]    A. D. Friederici, M. Meyer, et D. Y. von Cramon, « Auditory language comprehension: an event-related fMRI study on the processing of syntactic and lexical information », Brain Lang., vol. 74, no 2, p. 289‑300, sept. 2000, doi: 10.1006/brln.2000.2313.
[10]    E. C. Cherry, « Some Experiments on the Recognition of Speech, with One and with Two Ears », J. Acoust. Soc. Am., vol. 25, no 5, p. 975‑979, sept. 1953, doi: 10.1121/1.1907229.
[11]    G. M. Di Liberto, J. A. O’Sullivan, et E. C. Lalor, « Low-Frequency Cortical Entrainment to Speech Reflects Phoneme-Level Processing », Curr. Biol., vol. 25, no 19, p. 2457‑2465, oct. 2015, doi: 10.1016/j.cub.2015.08.030.
[12]    J. R. Binder et al., « Human Temporal Lobe Activation by Speech and Nonspeech Sounds », Cereb. Cortex, vol. 10, no 5, p. 512‑528, janv. 2000, doi: 10.1093/cercor/10.5.512.
[13]    F. Pellegrino, E. Ferragne, et M. Fanny, « 2010, a speech oddity: Phonetic transcription of reversed speech », in CONFERENCE OF THE INTERNATIONAL SPEECH COMMUNICATION ASSOCIATION 2010 (INTERSPEECH 2010), Makuhari, Japan, sept. 2010, vol. 1‑2, p. Pages : 1221-1224. Consulté le: 4 février 2022. [En ligne]. Disponible sur: https://hal.archives-ouvertes.fr/hal-01121562
[14]    K. Saberi et D. R. Perrott, « Cognitive restoration of reversed speech », Nature, vol. 398, no 6730, p. 760, avr. 1999, doi: 10.1038/19652.
[15]    T. Overath, J. H. McDermott, J. M. Zarate, et D. Poeppel, « The cortical analysis of speech-specific temporal structure revealed by responses to sound quilts », Nat. Neurosci., vol. 18, no 6, p. 903‑911, juin 2015, doi: 10.1038/nn.4021.
[16]    J. H. McDermott et E. P. Simoncelli, « Sound texture perception via statistics of the auditory periphery: evidence from sound synthesis », Neuron, vol. 71, no 5, p. 926‑940, sept. 2011, doi: 10.1016/j.neuron.2011.06.032.
[17]    S. V. Norman-Haignere et J. H. McDermott, « Neural responses to natural and model-matched stimuli reveal distinct computations in primary and nonprimary auditory cortex », PLOS Biol., vol. 16, no 12, p. e2005127, déc. 2018, doi: 10.1371/journal.pbio.2005127.
[18]    A. Landemard, C. Bimbard, C. Demené, S. Shamma, S. Norman-Haignere, et Y. Boubenec, « Distinct higher-order representations of natural sounds in human and ferret auditory cortex », eLife, vol. 10, p. e65566, nov. 2021, doi: 10.7554/eLife.65566.
[19]    R. McWalter, J. McDermott, « Adaptive and selective time averaging of auditory scenes », Current Biology, 28(9), 1405-1418, 2018.

  1. Comme nous y invite Marina Yaguello dans son merveilleux ouvrage Alice au pays du langage [3].
  2. C’est également le cas avec le poème de Henri Michaux Le Grand Combat, dont le sens est directement évident malgré l’absence presque totale de mots lexicaux :

    Il l’emparouille te l’endosque contre terre ;
    Il le rague et le roupète jusqu’à son drâle ;
    Il le pratèle et le libuque et lui baruffle les ouillais ;
    Il le tocarde et le marmine,
    Le manage rape à ri et ripe à ra.
    Enfin il l’écorcobalisse. […]

    Dans un tout autre style, le langage Schtroumpf inventé par Peyo et Franquin constitue peut-être l’exemple le plus frappant d’une transmission de sens avec un nombre très réduit de mots lexicaux identifiables : « PEUPLE SCHTROUMPF ! Demain, vous schtroumpferez aux urnes pour schtroumpfer celui qui sera votre schtroumpf ! […] Il vous faut un schtroumpf fort sur qui vous puissiez schtroumpfer sans schtroumpfer ! Et je suis ce schtroumpf ! » (Le Schtroumpfsissime, 1964)

  3. Notez de plus que les mots inventés par Lewis Carroll et Henri Parisot sont conçus pour évoquer une signification, certains cachant même des mots-valises. La fausse exégèse du poème par le personnage de Heumpty Deumpty un peu plus loin dans le roman donne d’ailleurs lieu à quelques pages savoureuses :

    « Cela suffit pour commencer, déclara, en l’interrompant, Heumpty Deumpty. Il y a force mots difficiles là-dedans. Reveneure, c’est quatre heures de l’après-midi, l’heure où l’on commence à faire revenir les viandes du dîner.
    – C’est parfaitement clair, dit Alice ; et slictueux ?
    – Eh bien, slictueux signifie souple, actif, onctueux. C’est comme une valise, voyez-vous bien : il y a trois significations contenues dans un seul mot.
    – Je saisis cela maintenant, répondit Alice, pensive. Et qu’est-ce que les toves ?
    – Eh bien, les toves, c’est un peu comme des blaireaux, un peu comme des lézards et un peu comme des tire-bouchons. […] »

  4. De façon similaire, les membres de l’Oulipo ont cherché à rompre le rapport de sens entre les mots et la phrase avec la méthode S+7, appliquée ici au poème El Desdichado par Raymond Queneau :

    « Je suis le tenu, le vibrant, l’incontrôlable
    Le priodonte d’Aramis à la tourmaline abonnée,
    Ma sextile étrangeté est moulue et mon lycanthrope constricteur
    Poste le solin nominal de la mélique. »

    Citons dans le même ordre d’idée la célèbre phrase de Chomsky « D’incolores idées vertes dorment furieusement » (« colorless green ideas sleep furiously ») illustrant la possibilité de former et de manipuler des phrases grammaticalement correcte, mais sémantiquement absurde [7].

  5. D’autres exemples sont disponibles sur le site du laboratoire de McDermott : https://mcdermottlab.mit.edu/texture_examples/index.html. Une toolbox MATLAB pour générer ce type de sons synthétiques a été mise en ligne par Richard McWalter [19]

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