Cartographier la perception des phonèmes du français

Article publié sur le site de l’Institut des Sciences Humaines et Sociales du CNRS le 13/12/2024

Qu’écoutons-nous vraiment lorsque nous écoutons quelqu’un parler ? Pour répondre à cette question, une équipe de recherche du CNRS a mis en œuvre une méthode expérimentale, appelée image de classification auditive. En analysant les erreurs commises par des individus confrontés à des sons de parole dans un bruit de fond, cette technique a permis de mettre en évidence les éléments acoustiques que les locuteurs et locutrices du français utilisent pour différencier les sons de leur langue. Résultat inattendu : tout le monde ne s’appuie pas sur les mêmes éléments du son de parole pour le comprendre. Cette étude a donné lieu à une publication dans la revue Scientific Reports.

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Visualiser ce que nous écoutons pour comprendre les sons de parole

Visualiser ce que nous écoutons pour comprendre les sons de parole from Ça Fait Science on Vimeo.

Découvrez la recherche psycholinguistique à travers une question simple : quels sont les processus cognitifs nous permettant de comprendre les sons de parole de notre interlocut·eur·rice ? L’équipe de Léo Varnet nous a ouvert les portes du laboratoire des Systèmes Perceptifs à l’ENS pour nous expliquer leur approche psychophysique dans ce 3ème épisode de Qrieux, la série.

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Poids des tâches administratives dans le temps de recherche

« Le monde universitaire n’était pas moins normé [dans les années 70] qu’il ne l’est actuellement. Des thèses poursuivies des années durant. Des professeurs gérant à vie des domaines réservés. Des recteurs, des doyens, des présidents, réactionnaires et idiots, des politiques incultes, des ministres flics, des Grandes Écoles arrogantes et archaïques, des concours contre-sélectifs, etc. On avait tout ça aussi bien que maintenant. Alors, quelle différence ? Peut-être une différence dans les modes de contrôle et de gestion. Les techniques du management moderne n’avaient pas encore pénétré le monde de l’Université et de la culture. Le pouvoir se manifestait de façon autoritaire, mais il manquait de moyens pour aller plus loin et pour y voir clair. Un peu partout existaient des recoins mal gérés ou oubliés, des institutions endormies dont on pouvait détourner les ressources, des zones, des marges, à l’écart de la concurrence, dans lesquelles il était possible de s’enraciner pour faire ce que l’on voulait et parfois du nouveau. Rien n’était juste, au moins si l’on prend ce terme dans son sens méritocratique. Rien n’était correctement évalué. Avec le même salaire, certains faisaient une œuvre et d’autres rien. Avec la même dotation, certains labos faisaient l’impossible et d’autres ronronnaient doucement. Mais ce laisser aller, cette négligence gestionnaire était précisément ce qui ouvrait un espace de liberté où la création devenait possible. »

(Luc Boltanski, Rendre la réalité inacceptable)

Depuis le 16 octobre dernier, j’utilise une application pour comptabiliser le temps que je consacre à chaque tâche dans mon activité de Chargé de Recherche CNRS. Je souhaitais en particulier quantifier la proportion des tâches administratives dans mon emploi du temps : comme beaucoup de personnes au sein de l’ESR, le management de la recherche me semble entraîner une perte de temps colossale. Alors que je m’apprête à partir en congé paternité, il est l’heure de tirer un premier bilan provisoire.

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Réponse aux réactions sur l’écriture inclusive

Suite à la publication de notre article scientifique sur l’écriture inclusive, et à la communication qui a été faite autour de ces résultats dans des médias plus grand public (en particulier le site du CNRS, France Culture, Sciences et Avenir, et même Marie-Claire), j’ai reçu un certain nombre de réactions et de questions. Si l’on fait abstraction des commentaires attendus concernant mon supposé « wokisme », et autres noms d’oiseaux, la plupart des personnes ayant manifesté leur désaccord l’ont fait de façon respectueuse et sur la base d’un petit nombre d’arguments assez récurrents. Il me paraît donc utile de revenir sur ces critiques les plus fréquentes pour y répondre ici de façon apaisée.

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Langage inclusif : pour le cerveau, le neutre n’est pas neutre

Article publié sur le site de l’Institut des Sciences Humaines et Sociales du CNRS le 10/10/2023

Il est désormais bien établi que l’utilisation du masculin générique engendre des représentations mentales déséquilibrées en faveur du masculin. Pour autant, toutes les formes d’écriture inclusive sont-elles aussi efficaces pour contrer ce biais ? Dans une étude récente parue dans la revue Frontiers in Psychology, une équipe de scientifiques a démontré que les formulations neutres, sans marque de genre grammatical, ne permettent pas d’éliminer complètement le biais vers le masculin, au contraire des formes doubles qui mentionnent à la fois le masculin et le féminin.

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Podcast: « audition et création »

Le 6 décembre 2022, j’étais invité avec Zoé Besmond de Senneville dans l’émission Gestalt de Radio Campus Paris, pour discuter de malentendance : qu’est-ce que c’est, comment ça se traduit concrètement dans la vie de tous les jours, comment y répondre, et comment continuer à créer quand on a des pertes auditives. Ci-dessous, le podcast audio et la transcription de cette heure d’échanges.

Merci à Claire Jeanne pour l’invitation et le travail de préparation !

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A mind map of concepts in auditory/speech perception

Since 2015, I made it a habit to summarize every single article I read with a few keywords + a list of technical details (methodology, type of stimuli used, task, group of participants) resulting in a gigantic spreadsheet. As a positive side-effect, the list of 835 keywords offers a great way to grasp how research fields are structured into subfields corresponding to different concepts/models/theories. So I decided to create a mind map out of it:

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À la recherche du bruissement de la langue

« Il reste toujours trop de sens pour que le langage accomplisse une jouissance qui serait propre à sa matière. Mais ce qui est impossible n’est pas inconcevable : le bruissement de la langue forme une utopie. Quelle utopie ? Celle d’une musique des sens ; j’entends par là que dans son état utopique la langue serait élargie, je dirais même dénaturée, jusqu’à former un immense tissu sonore dans lequel l’appareil sémantique se trouverait irréalisé ; le signifiant phonique, métrique, vocal, se déploierait dans toute sa somptuosité, sans que jamais un signe s’en détache »

– Roland Barthes, Le bruissement de la langue

Dans Le bruissement de la langue [1], Roland Barthes imagine une parole complètement affranchie de son sens, pour être perçue seulement comme un bruit abstrait et poétique, et non plus comme un message. La voix parlée ainsi abstraite des représentations qu’elle véhicule retournerait à sa pure musicalité, c’est-à-dire à la substance acoustique qui constitue notre langage oral. Écouter ce matériau sonore reviendrait un peu à percevoir le gazouillis d’une langue inconnue, dont le rythme et les modulations ressembleraient à s’y méprendre à la nôtre sans qu’il nous soit possible d’y discerner le moindre mot.

Pour Barthes, isoler le bruissement de la langue constitue une pure expérience de pensée : tant que la langue nous est familière, le son de parole ne peut jamais être complètement affranchi de son sens, de même que le sens ne saurait exister sans le son qui le porte. Autrement dit, il y a une relation fusionnelle entre le contenu sémantique et le contenant acoustique. Barthes envisage donc cette parole vide de sens uniquement en tant qu’idéal irréalisable, source potentielle d’inspiration pour la création artistique. De fait, on retrouve l’idée d’une langue retournée à son bruissement originel dans des œuvres très diverses. On pense en premier lieu au grommelot, le charabia burlesque pratiqué par nombre de personnages de comédie depuis les clowns jusqu’à Charlot, en passant par le théâtre de Dario Fo et quantité de films d’animation. La recherche d’un flux linguistique libre de tout sens distinct évoque également le vaste univers des poésies sonores futuristes, lettristes ou dadaïstes, forme ultime du poème qui renonce à l’usage des mots et de la syntaxe pour s’attacher à la musique des onomatopées et des phonèmes isolés. Mentionnons entre autres exemples marquants l’Ursonate de Kurt Schwitters (ou « Sonate des sons primitifs ») ou la bande-son du Traité de Bave et d’Éternité d’Isidore Isou.

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Études statistiques : les limites du contrôle

 “– Are you interested in science, by any chance?”
The Limits of Control (Jim Jarmusch, 2009)

La notion de contrôle statistique est omniprésente dans les sciences de la vie et les sciences humaines. Chaque individu différant des autres par de très nombreux facteurs (âge, catégorie socio-professionnelle, couleur des cheveux, etc.), les scientifiques qui s’intéressent à un aspect particulier ont besoin de s’assurer que les variables non pertinentes ne parasitent pas leur mesure. C’est ici que le contrôle statistique entre en jeu : il s’agit d’un outil mathématique qui a pour objectif d’estimer l’effet propre d’une variable particulière en éliminant l’effet d’autres facteurs.

Pourtant, cet outil est très souvent mal utilisé, au point de produire des résultats erronés – voire même paradoxaux comme on le verra plus loin. Aujourd’hui, nombre de scientifiques estiment, à tort, que le moyen le plus efficace pour obtenir une estimation fiable consiste simplement à « contrôler » toutes les variables disponibles. Dans certaines branches des sciences cognitives ou de l’économétrie, on rencontre ainsi couramment des études affichant une très longue liste de facteurs intégrés pêle-mêle dans un modèle statistique : sexe, âge, niveau d’éducation, statut socio-économique, religiosité, niveau d’intérêt politique, degré de conviction idéologique, degré de conservatisme, fréquence d’exposition aux informations télévisées, taille du réseau relationnel…1 Cette tendance, que j’ai déjà évoquée au détour de ma critique du dernier ouvrage de Steven Pinker2, est si hégémonique qu’un nom lui a été attribué : « salade causale » [2] (d’autres préférant le terme de « régression-poubelle » [3]).

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Âge et pertes d’intelligibilité chez les personnes presbyacousiques appareillées – Retour sur le projet Genopath

La publication, le mois dernier, de l’article « Contributions of Age-Related and Audibility-Related Deficits to Aided Consonant Identification in Presbycusis: A Causal-Inference Analysis » dans la revue Frontiers in Aging Neuroscience vient clôturer 1 an et demi de travail d’analyse sur un projet qui, lui, court depuis 2009 (intitulé « Projet Genopath »). Cette collaboration de longue haleine entre l’équipe de la professeure Christine Petit (avec Sophie Boucher et Crystel Bonnet) et la nôtre (composée de Christian Lorenzi, Agnès Léger et moi-même) portait sur une étude statistique à grande échelle des pertes d’audition liées à l’âge. Le texte de l’article est disponible en accès ouvert sur le site de l’éditeur. Visant un public scientifique, il est rédigé en anglais et dans un langage technique. Néanmoins, je pense que les résultats obtenus sont susceptibles d’intéresser un plus large public, et j’en propose donc ici un résumé en français.
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